La Main est une nouvelle fantastique de Guy de Maupassant (19e siècle). Pour te rappeler ce qu’est le genre fantastique d’un point de vue littéraire, tu peux regarder cette vidéo :
La nouvelle « La Main » appartient bien au genre fantastique. Dans cet extrait, on trouve plusieurs caractéristiques de ce genre, comme le cadre réaliste, le phénomène surnaturel (une main coupée qui semble bien vivante) et le doute du personnage sur la manière dont il doit interpréter les choses (est-ce que l’Anglais est fou ?). Lis le texte puis réponds au petit questionnaire. Tu trouveras le corrigé et le texte à télécharger en fin de page, pour t’assurer que tu as bien compris cet extrait de « La Main » de Maupassant. Je te propose également un sujet de rédaction.
« Un soir enfin, comme je passais devant sa porte, je l’aperçus qui fumait sa pipe, à cheval sur une chaise, dans son jardin. Je le saluai, et il m’invita à entrer pour boire un verre de bière. Je ne me le fis pas répéter. Il me reçut avec toute la méticuleuse courtoisie anglaise, parla avec éloge de la France, de la Corse, déclara qu’il aimait beaucoup cette pays, cette rivage. Alors je lui posai, avec de grandes précautions et sous la forme d’un intérêt très vif, quelques questions sur sa vie, sur ses projets. Il répondit sans embarras, me raconta qu’il avait beaucoup voyagé, en Afrique, dans les Indes, en Amérique. Il ajouta en riant :
– J’avé eu bôcoup d’aventures, oh ! yes.
Puis je me remis à parler chasse, et il me donna des détails les plus curieux sur la chasse à l’hippopotame, au tigre, à l’éléphant et même la chasse au gorille. Je dis :
– Tous ces animaux sont redoutables.
Il sourit :
– Oh ! nô, le plus mauvais c’été l’homme.
Il se mit à rire tout à fait, d’un bon rire de gros Anglais content :
– J’avé beaucoup chassé l’homme aussi.
Puis il parla d’armes, et il m’offrit d’entrer chez lui pour me montrer des fusils de divers systèmes. Son salon était tendu de noir, de soie noire brodée d’or. De grandes fleurs jaunes couraient sur l’étoffe sombre, brillaient comme du feu. Il annonça :
– C’été une drap japonaise.
Mais, au milieu du plus large panneau, une chose étrange me tira l’œil. Sur un carré de velours rouge, un objet noir se détachait. Je m’approchai : c’était une main, une main d’homme. Non pas une main de squelette, blanche et propre, mais une main noire desséchée, avec les ongles jaunes, les muscles à nu et des traces de sang ancien, de sang pareil à une crasse, sur les os coupés net, comme d’un coup de hache, vers le milieu de l’avant-bras. Autour du poignet, une énorme chaîne de fer, rivée, soudée à ce membre malpropre, l’attachait au mur par un anneau assez fort pour tenir un éléphant en laisse. Je demandai :
– Qu’est-ce que cela ?
L’Anglais répondit tranquillement :
– C’été ma meilleur ennemi. Il vené d’Amérique. Il avé été fendu avec le sabre et arraché la peau avec une caillou coupante, et séché dans le soleil pendant huit jours. Aoh, très bonne pour moi, cette.
Je touchai ce débris humain qui avait dû appartenir à un colosse. Les doigts, démesurément longs, étaient attachés par des tendons énormes que retenaient des lanières de peau par places. Cette main était affreuse à voir, écorchée ainsi, elle faisait penser naturellement à quelque vengeance de sauvage. Je dis :
– Cet homme devait être très fort.
L’Anglais prononça avec douceur :
– Aoh yes ; mais je été plus fort que lui. J’avé mis cette chaîne pour le tenir.
Je crus qu’il plaisantait. Je dis :
– Cette chaîne maintenant est bien inutile, la main ne se sauvera pas. Sir John Rowell reprit gravement :
– Elle voulé toujours s’en aller. Cette chaîne été nécessaire.
D’un coup d’œil rapide j’interrogeai son visage, me demandant : Est-ce un fou, ou un mauvais plaisant ? Mais la figure demeurait impénétrable, tranquille et bienveillante. Je parlai d’autre chose et j’admirai les fusils. Je remarquai cependant que trois revolvers chargés étaient posés sur les meubles, comme si cet homme eût vécu dans la crainte constante d’une attaque. Je revins plusieurs fois chez lui. Puis je n’y allai plus. On s’était accoutumé à sa présence ; il était devenu indifférent à tous. »
Extrait de « La Main » de Guy de Maupassant
- Pourquoi l’un des deux personnages s’exprime-t-il étrangement ?
- Quelle est la passion commune aux deux personnages ?
- Quelles remarques peut-on faire sur l’intérieur de la maison ? Expliquez pourquoi cela crée une atmosphère angoissante.
- Pourquoi la description de la main est-elle inquiétante ?
- D’après ce qu’en dit l’Anglais, que peut-on déduire de l’homme auquel cette main a appartenu ?
- Quelle est la réaction du narrateur quand l’Anglais déclare qu’il doit attacher la main ?
- Quelle supposition peut-on faire sur la présence des revolvers chargés ?
- Après la lecture du texte complet, comment peut-on interpréter la phrase suivante : « J’avé beaucoup chassé l’homme aussi » ?
- Expliquez pourquoi ce texte appartient au genre fantastique.
Rédaction : Imagine qu’un jour tu te sois retrouvé dans un lieu inconnu et inquiétant. Raconte les circonstances de ton arrivée dans ce lieu et décris-le, tout en mettant en valeur tes sentiments et tes émotions. Utilise les temps du récit (imparfait et passé simple).